Au Sénégal, comme dans plusieurs pays du Sud, il faut négocier pour obtenir un bien à un prix respectable. Je crois déjà en avoir parlé dans un autre article, mais un événement récent me souligne l'importance de le mentionner à nouveau. Car rappelons que ce n'est pas seulement l'homme blanc qui doit négocier, mais ils le font aussi entre Sénégalais.
Donc, jeudi le 4 juillet, nous nous rendons au marché Mbafay, en charrette (donc, lentement mais sûrement, et au prix de quelques bosses qui raffermiront nos fesses). Notre objectif: acheter 200 kilos de semences d'arachides, qui serviront à encourager Maissa, notre animateur-interprète du groupe, qui est aussi agriculteur, pour tenter de l'aider à avoir une autonomie financière. Nous achetons donc des semences certifiées de base, dites certifiées, pour qu'ils puissent récupérer les semences à la fin de la récolte pour les replanter l'année suivante. Ce sont des semences plus performantes en quelque sorte.
Nous arrivons au marché assez tôt, car il a plu la veille et nous savons que tout le monde se précipite pour acheter les semences, pressé de semer justement (on en voit d'ailleurs déjà au travail sur notre chemin).
Ici, essayez de vous conceptualiser un aménagement chaotique, ou tout le monde est installé à sa façon avec ses sacs d'arachides, avec un unique passage où on ne comprend pas comment une charette arrive à avancer.

C'est fait? Vous avez une image? Dites-vous que c'est pire, qu'il faut constamment enjamber des dames et leur sac pour parvenir à une autre, qu'aucune enseigne, aucun prix, aucune information lisible (de toute façon, elle ne serait utile que pour une minorité). Étonnamment, nous trouvons rapidement ce que nous voulons, mais en quantité insuffisante. On pèse le tout? Non, il faut transvider d'un sac à l'autre avec une boîte de conserve (un demi-kilo selon eux). Donc, pour le premier achat, ce sont 87 kilos - 174 mesures de boîte de conserve - transvidé d'un sac à l'autre.
Long.
Ensuite vient la recherche d'autres semences. Quand on pense avoir trouvé, ça discute longuement, et Maissa m'informe qu'il négocie le prix avec son oncle. Ça parle, ça parle, je ne comprends rien, je ne comprends rien. Après plusieurs minutes, on part pour aller à une autre parce qu'elle ne voulait pas baisser le prix. Bon, me dis-je. Et cela continue pendant plus d'une heure, à la chaleur et à l'odeur de transpiration tout de même assez forte pour être mentionnée ici.
Les autres partent faire des achats, je reste avec Maissa. Je suis déjà épuisé. C'est 30 minutes - au moins - plus tard que nous revenons à la première dame qui nous vend les arachides qui nous manquaient. On a tourné en rond!
Maintenant, regard nord-américain: quand on y pense, ce manque d'organisation fait perdre temps et énergie à tout le monde. Aucun prix fixe, aucune information visible, aucune organisation. C'est incroyablement n'importe quoi, si je puis me permettre. Et quelle journée affreuse pour ces vendeuses qui y passent la journée au plein soleil... Pour moi, ce fut une expérience exténuante, et j'avoue qu'à certains moments je poussais un peu pour que les choses s'accélèrent.
Quelle compréhension? Évidemment, l'aide de la municipalité aidera à l'organisation du marché. L'alphabétisation permettrait d'y voir plus clair plus rapidement. La normalisation des prix faciliterait les échanges. Oui, mais que peuvent-ils bien faire, concrètement? Effectivement, le manque de financement et de ressources sont une explication claire.
Toujours est-il que nous sommes revenus avec 4 sacs de semences (un peu moins que prévu) sur la charrette, et nous assis dessus. Nous savons très bien que nous aurons encore et encore à négocier, surtout quand on sait qu'on négocie même pour du poisson. En plus, la mi-stage arrive, avec un transport jusqu'à Saint-Louis (ville coloniale au Nord) qui devra aussi être négocié et tous les achats souvenirs que nous ferons là-bas. Imaginez...