vendredi 19 juillet 2013

Hier soir, j'ai pris ma douche avec une coquerelle.

Pas étonnant. Elles se comptent par dizaines dans le centre communautaire. Et elles ne sont pas seules...

En venant au Sénégal, j'acceptais de faire face à la faune d'insectes et de plus gros insectes qu'offre le climat. L'effet de ces petites bêtes a quelque chose de positif: elles unissent tout le groupe contre la menace, instaurant parfois la peur chez l'un, le courage chez l'autre, et même la pitié parfois (oui, nous avons un pro-environnementaliste dans notre groupe, qui me fait réfléchir aussi à notre pouvoir humain de tuer ces petites bêtes).

Je me dois de raconter la nuit qui a suivi la première pluie. Sans tenter d'expliquer le phénomène, je dirais simplement que des centaines - sans exagération - d'insectes volants se sont donnés rendez-vous à notre centre, particulièrement autour des lumières pour vivre une nuit endiablée, et y laisser leur vie. Comme rester éveillé s'avérait une dure épreuve pour nous, nous sommes rapidement allés dormir, pour découvrir le lendemain matin un cimetière d'insectes (fallait voir le coup de balai). Franchement, je n'avais jamais vécu ça. Une petite crainte: «Est-ce que c'est toujours comme ça durant la saison des pluies?» Non, que quelques jours... Faut dire qu'après 9 mois sans pluie, il y a lieu de faire le «party».

Puis, sont apparus de nombreux insectes non identifiés, des petits et des gros, certains ont on souhaite franchement qu'ils ne puissent pas piquer. Aussi, on compte parmi nos amis de nombreuses grenouilles, des araignées à 10 pattes (!), des chauve-souris qui volent trop bas à notre goût, etc. En fait, on attend seulement les scorpions et les serpents.

Donc, hier soir, quand j'ai vu la coquerelle dans la douche, je n'ai pas bronché. Je me suis rappelé le bon dicton de ma maman, «les petites bibittes ne mangent pas les grosses!» qui m'a donné le courage nécessaire pour accomplir ma mission hygiénique. Je ne me suis même pas dépêché...

Tout ça me ramène, au point où nous entamons notre deuxième moitié de stage, à tout ce qu'on accepte de délaisser comme confort pour faire un stage comme celui-ci. Dormir dans un moustiquaire tous les soirs, manger des plats avec beaucoup d'huile (à voir: le reste d'huile au fond de l'assiette), avoir trop chaud de midi à 16h, suer en quantité industrielle chaque nuit, puiser l'eau pour remplir le réservoir (car n'allez pas penser que nous avons l'eau courante), faire son lavage à la main, survivre aux pannes de courant, etc. Tout ça sont des choses qui nous privent du confort auquel nous sommes habitués. Mais si nous sommes ici, c'est bien pour vivre des choses qui vont au delà de ce confort, et pour s'enrichir. Parce qu'au final, on réalisera bien au retour que nous sommes bien chanceux de vivre dans de si bonnes conditions, et resterons admiratifs devant ces gens qui se lèvent tous les jours à 6h00 pour aller au champs, et jeûner toute la journée durant le ramadan.

Et mis à part les bibittes, il y a les paysages qui font partis de la nature. Je m'en rappelle chaque fois quand je fais mon jogging à la tombée du jour, ou quand je regarde le coucher du soleil.



mercredi 17 juillet 2013

À quoi sert une mi-stage?

La semaine dernière (8 au 14 juillet), c'était l'étape médiane de notre voyage. Ce moment dit de décompression, où l'on quitte notre lieu de stage pour aller découvrir d'autres lieux dans le pays, et aussi pour se redécouvrir en tant que groupe. Le plan était simple: se rendre dans la région de Saint-Louis, première ville fondée au Sénégal par les Français au XVIIe siècle et ayant gardé un style colonial (patrimoine de l'UNESCO), puis revenir dans notre région dans un hôtel avec piscine!!! Ce deuxième lieu aura servi aussi à faire l'évaluation de la première moitié de stage et pour organiser la deuxième moitié, en plus de resserrer les liens du groupe avec une activité que j'ai organisée.

La première étape concerne le transport. Se rendre à Saint-Louis, même s'il s'agit seulement de 252 km, a pris plus de 5h30. Au départ, on circulait dans une boîte de pick up à travers des chemins de sable reliant les villages bien perdus. On apprendra plus tard que c'est parce que le chauffeur ne possède pas de permis de transport et qu'il veut éviter les contraventions. Quand même, ce fut un peu long...

Arrivés à Saint-Louis, nous sommes hébergés par la deuxième femme de notre partenaire (eh oui), fort sympathique mais pas tant équipé pour tous nous recevoir. Avec Laurence, je suis «obligé de dormir sur le toit de la maison, dans un moustiquaire, avec un million d'étoiles devant nos yeux. Entre vous et moi, la fraîcheur de la nuit était fort appréciée.

Saint-Louis nous fait du bien. On peut dire qu'on aura eu un peu de «tourisme urbain». On déambule, on marchande des souvenirs, on observe l'architecture et on est entouré d'eau! Car l'île de Saint-Louis se trouve à l'embouchure du fleuve Sénégal dans l'Océan Atlantique. Du coup, on a accès à l'île entourée d'eau et à l'océan et ses fabuleux couchés de soleil depuis la grande péninsule de la langue de Barbarie.

C'est justement ça qui est impressionnant, l'accès à l'eau. Dans ce pays, beaucoup d'hommes sont des pêcheurs. Les pirogues sont nombreuses et parfois immenses, et on aperçois les piroguiers partir vers 19h, tout juste avant la tombée du jour. Il paraît que c'est le meilleur moment pour la pêche...

Et que dire du coucher de soleil. Encore une fois, je me suis laissé porter par les enfants. Instinctivement, j'ai commencé à faire des scènes de karaté. Est-il nécessaire de vous dire que chaque fois qu'un enfant aperçoit un adulte qui veut s'amuser avec lui, il saute sur l'occasion? Alors voilà que de grands sourires s'affichent devant moi, prêt à me confronter, mais surtout à m'imiter. Je m'y mets donc. Toutes sortes de figures inimaginables y passent. Mais c'est plus intéressants avec le son. Tel un samouraï manqué, je crie. «Wakasa», «Hiroshima» «Yamaha», «Dollorama», «Kamasutra!». Tous ces mots y passeront et seront répétés par les enfants. Bizarrement, ils retiendront davantage le dernier...

Cet amusement fait du bien, et on est bien nourri chez la deuxième femme de monsieur Badiane. Nous profitons même de la plage pour une troisième fois dans l'Atlantique. Ah oui! On assiste au début du jeûne, cet épisode de 30 jours qui modifiera considérablement le rythme des gens autour de nous. Malgré tout, cette visite n'est pas de tout repos, et vivement une piscine!

Arrivés à l'hôtel, on sent qu'on va un peu s'arrêter. Le hic, c'est qu'on aussi besoin de rigoler le soir et de s'amuser, ce qui nous enlèvera quelques heures de sommeil. On y arrivera quand même. Mais ces niaiseries que nous ferons nous apportera beaucoup de joie et d'unicité. Avec un moment spécialement réservé pour la discussion, où chacun s'exprime sur plusieurs sujets et émotions ressentis depuis le début du stage, le groupe évolue grandement. Pour ma part, je considère cette étape essentielle, car je sais que le contexte interculturel, loin de chez soi et dans un contexte de travail nous occulte parfois la beauté des gens qui nous entourent.

Et il semble unanime que ce moment ait permis à chacun de redécouvrir les autres. Moi, je me plais à imaginer que nous sommes allés chercher un grand rayon de soleil pour le ramener à Fissel...


dimanche 7 juillet 2013

La communication interculturelle

La communication, je dois dire, s'avère un des principaux défis de mon voyage. C'est d'autant plus vrai que j'ai un rôle de coordonnateur, où la communication s'avère cruciale entre les différents partenaires et acteurs. Que ce soit dans la façon de parler, dans le ton, le vocabulaire ou le sens des mots, la difficulté est bien présente car la différence y est.

Je me suis fait une remarque intéressante - je crois. D'abord c'est réellement la première fois que je me retrouve dans un pays où je ne comprends absolument rien à la langue (quand il ne parle pas français). Pour communiquer, mis à part les salutations - sur lesquelles nous nous efforçons d'en apprendre les nombreux rudiments - ce sont les Sénégalais qui utilisent leur deuxième ou troisième langue (le français) pour parler avec nous. Nous maîtrisons donc mieux qu'eux la langue de communication, et devons trouver des moyens de se faire comprendre avec des mots qu'ils connaissent. Cela est l'inverse de ce que je suis habitué, c'est-à-dire d'utiliser ma deuxième ou troisième langue pour parler avec des gens qui utilisent leur première langue (l'espagnol par exemple). Dans un certains sens, la deuxième option est beaucoup plus difficile.

Car c'est de là que naissent une tonne ambiguïtés et d'incompréhensions. Les exemples en témoignent. Quand on pose une question, ils répondent «non» pour continuer par l'affirmative. Surpris au début, on ne sait plus quoi penser. Le fameux «Y'a pas de problème» revient également très très souvent, même si nous discutons justement d'un problème à résoudre. Mais un problème sur lequel tout le groupe s'accorde, c'est le fait que tout le monde répond par l'affirmative à presque toutes nos questions. Un exemple qui laisse parfois pantois: «Est-ce que tu sèmes tes semences cette semaine ou la semaine prochaine?». Réponse: oui.

Ce manque de compréhension non exprimé nous pousse donc à corroborer chaque réponse obtenue auprès d'une seconde ou d'une tierce personne. Inutile de vous dire que cette démarche est parfois prenante...

Mais la communication interculturelle a lieu à tous les niveaux. Quand on s'entend sur un rendez-vous, ils ne peuvent s'empêcher d'ajouter le fameux «Inch'allah» (si Dieu le veut). Pour nous, le doute est là, mais tranquillement, on comprend que la volonté y est, mais que l'attachement à Dieu reste en tout instant. Pour les heures de rendez-vous, c'est l'Afrique, alors tu sais que tu attends, mais pas pour combien de temps. Quoique je dois dire que certains sont très surprenants.

Après, la communication a lieu à tous les niveaux, alors les défis se présentent à tous les niveaux. L'argent, l'information de toute sorte, la logique, la façon de faire, tout y passe. Et les relations amoureuses... Je termine mon article sur un exemple récurent et cocasse à cet égard.

Par exemple, un homme m'accoste en me disant «Gabriel, tu veux une femme Sénégalaise?». Oh! surprenant, mais fidèle a moi-même, je réponds sincèrement en disant: «Merci, c'est gentil, mais j'ai déjà une copine.»
- Ah, mais les filles sénégalaises sont jolies!
- Oui d'accord, mais pas aussi jolie que ma copine (ça c'est sûr!) et je suis un homme fidèle.
- Mais tu es marié?
- Non
- Alors tu peux avoir beaucoup de copines... et même plusieurs femmes!
- Comment vous expliquer, je suis monogame et incapable d'aimer plusieurs femmes.

En effet, il est difficile d'expliquer cette vision à un musulman. Nous avons d'ailleurs rencontré quelques hommes qui ont plusieurs femmes, mais leur défi consiste à les faire vivre dignement et à assurer une bonne entente entre celles-ci (car elles habitent parfois sous le même toit). Dans une telle discussion pour tenter de comprendre, on m'a répondu «Ici, il faut gérer la femme...». «Oui», acquiesçai-je cette fois en plein désaccord intérieur. Mais le but était de ne pas me lancer sur une discorde. Après, une grande question à poser serait de leur demander quelle est leur conception de l'amour, qui ne semble pas exclusif du tout, ni visible en public...

samedi 6 juillet 2013

Marchander au Sénégal

Au Sénégal, comme dans plusieurs pays du Sud, il faut négocier pour obtenir un bien à un prix respectable. Je crois déjà en avoir parlé dans un autre article, mais un événement récent me souligne l'importance de le mentionner à nouveau. Car rappelons que ce n'est pas seulement l'homme blanc qui doit négocier, mais ils le font aussi entre Sénégalais.

Donc, jeudi le 4 juillet, nous nous rendons au marché Mbafay, en charrette (donc, lentement mais sûrement, et au prix de quelques bosses qui raffermiront nos fesses). Notre objectif: acheter 200 kilos de semences d'arachides, qui serviront à encourager Maissa, notre animateur-interprète du groupe, qui est aussi agriculteur, pour tenter de l'aider à avoir une autonomie financière. Nous achetons donc des semences certifiées de base, dites certifiées, pour qu'ils puissent récupérer les semences à la fin de la récolte pour les replanter l'année suivante. Ce sont des semences plus performantes en quelque sorte.

Nous arrivons au marché assez tôt, car il a plu la veille et nous savons que tout le monde se précipite pour acheter les semences, pressé de semer justement (on en voit d'ailleurs déjà au travail sur notre chemin).

Ici, essayez de vous conceptualiser un aménagement chaotique, ou tout le monde est installé à sa façon avec ses sacs d'arachides, avec un unique passage où on ne comprend pas comment une charette arrive à avancer.

C'est fait? Vous avez une image? Dites-vous que c'est pire, qu'il faut constamment enjamber des dames et leur sac pour parvenir à une autre, qu'aucune enseigne, aucun prix, aucune information lisible (de toute façon, elle ne serait utile que pour une minorité). Étonnamment, nous trouvons rapidement ce que nous voulons, mais en quantité insuffisante. On pèse le tout? Non, il faut transvider d'un sac à l'autre avec une boîte de conserve (un demi-kilo selon eux). Donc, pour le premier achat, ce sont 87 kilos - 174 mesures de boîte de conserve - transvidé d'un sac à l'autre.

Long.

Ensuite vient la recherche d'autres semences. Quand on pense avoir trouvé, ça discute longuement, et Maissa m'informe qu'il négocie le prix avec son oncle. Ça parle, ça parle, je ne comprends rien, je ne comprends rien. Après plusieurs minutes, on part pour aller à une autre parce qu'elle ne voulait pas baisser le prix. Bon, me dis-je. Et cela continue pendant plus d'une heure, à la chaleur et à l'odeur de transpiration tout de même assez forte pour être mentionnée ici.

Les autres partent faire des achats, je reste avec Maissa. Je suis déjà épuisé. C'est 30 minutes - au moins - plus tard que nous revenons à la première dame qui nous vend les arachides qui nous manquaient. On a tourné en rond!

Maintenant, regard nord-américain: quand on y pense, ce manque d'organisation fait perdre temps et énergie à tout le monde. Aucun prix fixe, aucune information visible, aucune organisation. C'est incroyablement n'importe quoi, si je puis me permettre. Et quelle journée affreuse pour ces vendeuses qui y passent la journée au plein soleil... Pour moi, ce fut une expérience exténuante, et j'avoue qu'à certains moments je poussais un peu pour que les choses s'accélèrent.

Quelle compréhension? Évidemment, l'aide de la municipalité aidera à l'organisation du marché. L'alphabétisation permettrait d'y voir plus clair plus rapidement. La normalisation des prix faciliterait les échanges. Oui, mais que peuvent-ils bien faire, concrètement? Effectivement, le manque de financement et de ressources sont une explication claire.



Toujours est-il que nous sommes revenus avec 4 sacs de semences (un peu moins que prévu) sur la charrette, et nous assis dessus. Nous savons très bien que nous aurons encore et encore à négocier, surtout quand on sait qu'on négocie même pour du poisson. En plus, la mi-stage arrive, avec un transport jusqu'à Saint-Louis (ville coloniale au Nord) qui devra aussi être négocié et tous les achats souvenirs que nous ferons là-bas. Imaginez...