vendredi 31 mai 2013

Comment préparer le terrain avant l'arrivée du groupe?

Cette rubrique serait différente pour chaque stage. Mais dans mon cas, je suis avec M. Badiane, un professeur d'université coloré, vivant, qui a un contact social aussi grand que ses compétences d'organisateurs, c'est-à-dire assez élevés. En une journée, nous règlerons le nécessaire pour l'arrivée du groupe. S'il y a 120 kilomètres entre Dakar et Fissel, n'allez pas penser que cette route se fera en moins de deux heures!

D'abord la rencontre avec l'intervenant principal, Maissa, qui nous suivra tout le long du stage. Il parle français, wolof et sérère. Allez savoir comment il fait. On mange avec lui dans un petit resto du coin, appartenant à une famille, alors bien assise (voire couchée) devant la télévision à notre arrivée dans le salon servant de salle à manger. «Ça sent la turista à court terme», me dis-je. Ce sera l'immunisation, tiens. (je ne savais pas alors qu'on allait faire deux restos du genre dans la même journée. J'en sentirai les effets le lendemain matin).

Il faut faire la commande de trois lits, sept matelas, et achter une bonbonne de gaz. Le reste des achats se feront à Dakar. Rapide? Non. Entre Sénégalais, et surtout M. Badiane, même si on croise des inconnus, on discute, on s'informe, on écoute. Et si on achète, ON NÉGOCIE!!! Wow, c'est fou ça. Franchement, ça m'impressionne. On se fait souvent dire comme touriste de négocier, mais même entre eux ça se passe comme ça. Et le ton monte! «On s'en est bien tiré», me dit-il. «Bien sûr»m fis-je calmement, comme si j'avais compris les 8000 mots/minute qu'il a laissé tomber pendant plus de 15 minutes.

C'est fou.

Autre arrêt chez le boucher. M.Badiane récupère un gros morceau de viande pour un monsieur du village. «Je fais toujours ça», me dit-il. Impressionnant comme il est rempli de mouches... le morceau de viande je veux dire. Tu m'étonnes, elle doit avoir un peu chaud au soleil de 14h (parlant de chaleur, c'est sûrement à ce moment que j'aurai dû boire de l'eau, pour ne pas sentir un mal de tête deux heures plus tard). «C'est ici que tu viendras acheter la viande pour le groupe avec Maissa», m'informe M.Badiane. De mon visage malheureux et étonné, je tente de me rassurer: «Et le marché, on vient le faire tôt le matin?». Comme ça, la viande aura moins chaud, bien sûr...

Quelques arrêts plus tard, on arrive au village de Fissel. Il fait chaud! Les gens sont très calmes, justement. Je rencontre Maman Diolé, une femme très impliqué dans le village. Elle est chaleureuse et me dit vouloir collaborer avec nous. Elle me présente le chef de la maison. «C'est le chef, le patron de la maison... mon mari.», pour être sûr que je comprenne. Non, je n'avais pas fait le lien. Le chef, c'est lui qui gère la famille, même s'il n'est pas là. Même s'il a d'autres femmes.

Puis, enfin, le centre communautaire. On me présente les chambres, qu'on désinfectera et qu'on aménagera. Rustique, rudimentaire. Il y a le nécessaire, c'est l'essentiel non?

L'endroit est dynamique, avec beaucoup d'activités gérées par les gens du village. Le toit du centre, je prédis, sera un lieu apaisant et de retrouvailles le soir, vu sur les baobas, le manguier, le citronniers et autres arbres forts ayant résisté à la saison sèche. La visite est courte, mais la vie du centre me laisse voir que le stage sera dynamique.

Puis retour vers Dakar. D'un coup? Non, arrêt dans un garage d'auto, car le frein arrière n'est pas efficace. Des cailloux pour bloquer les roues, un lift dans le sable pour monter la voiture et trois gars avec des outils de la Deuxième guerre mondiale pour réparer le tube. Le temps parfait pour M.Badiane de faire sa prière, et pour moi de goûter le café touba, ce café épicé et beaucoup trop sucré pour moi que je refile à un des mécaniciens. Au sujet, des voitures, je ne suis pas sûr d'avoir vu ici une seule qui ne fasse aucun bruit suspect, ou avec une carrosserie intact. Ça me rassure quand je pense à mon Westfalia.

Pourquoi aller en Afrique vivre un stage?

C'est en assistant à un cours universitaire en développement communautaire que je me suis vu confronté à une question pas bête du tout...

Vers la moitié du cours, le professeur - qui est aussi notre partenaire ici au Sénégal - me demande d'exposer à la vingtaine d'étudiants les motifs de ma présence et le type de stage que mon groupe et moi venons vivre. Je passe donc aux explications: s'établir dans une communauté (Fissel), vivre un échange interculturel, participer à différents projets répondant aux besoins de la communauté, notamment en agriculture et dans les activités génératrice de revenus pour les femmes, sensibiliser la population aux risques des changements climatiques, etc.

Mon explication suscite, à ma surprise, beaucoup de questions. L'une d'elles a retenu mon attention: «Pourquoi venez-vous au Sénégal pour faire votre projet et pourquoi pas dans la campagne au Canada?». Mon regard a certainement transmis un air surpris. Je suis coincé, en parti du moins.

La réponse rapide est que nous sommes à la recherche d'un découverte d'une culture, de gens différents, etc. Mais il n'a pas tort au sens où nous aurions beaucoup à apprendre d'un stage dans une région autre que la nôtre (comment se débrouillerait un Montréalais à Chibougamau?). Ou dans le Nord du Québec, avec des autochtones? C'est d'ailleurs ce que je lui réponds. Mais qu'aussi, il est vrai que c'est une opportunité de voyager, et de vivre une forte expérience en groupe.

L'échange apporte, à tous.

jeudi 30 mai 2013

Premières impressions

Faut-il le rappeler, il s'agit de mes premiers pas en Afrique Noire. Mis à part les matchs de soccer joués lors de mon adolescence contre l'équipe de Montréal Nord, les visites des quartiers de Harlem à New York ou de la goutte d'or à Paris, je ne me suis jamais réellement retrouver en minorité visible de façon aussi contrasté en tant que Blanc. Et bien ici, je le sens, et pas rien qu'un peu!

Et ce n'est pas seulement la couleur, c'est toute la culture!

En commençant par la posture. On m'a déjà dit que je marchais de façon détendu (parce que je suis sportif, disaient certains). On m'a aussi dit que je marchais en sautillant, mais ça je ne le crois pas! Alors voilà qu'ici, il me semble que je ne sais plus du tout comment me tenir, me placer, m'accoter, marcher, pour ne pas me faire remarquer. On dirait que quoi que je fasse, je n'ai pas le «flow», l'attitude. Je veux dire, même si on me peinturait la peau en noir et que mes cheveux étaient très frisés, on me détecterait. Faut dire que le rythme de vie est différent. Alors donc, la posture oui.

Si je connaissais les marchands ambulants d'Amérique latine, ici, ça pullule. Ces bana bana comme ils s'appellent sont partout et vendent de n'importe quoi! Une petite liste: des noix de cajou, des sacs de plastique de 200 mL d'eau, des ceintures et des caleçons (dans une station de service! Voilà le contact humain et le service au client!), des raquettes de tennis donnant un électrochoc pour tuer les insectes (on est toujours au plein milieu de la rue!), des dizaines de soulier étalés sur le terre-plein de la route, des cartes de téléphones cellulaires prépayés (avec des forfait toujours plus alléchants), des chemises, etc.

Quoi qu'il en soit, le Sénégal est coloré et hétéroclite. Les boubous (toge africaine) sont portés par les gens qui le désire, par forcément pour la prestance... À côté, des hommes d'affaires, des étudiants, des femmes portant le voile, un touriste canadien ne sachant pas quelle posture adopter, un jeune en patins à roues alignées en plein milieu d'un rond point avec un chandail de Sesame & Street (vive la mondialisation). Parlons transport tiens. À la proximité des véhicules qui roulent, j'attends honnêtement de voir un premier accrochage. Ça a pas d'allure. On roule à contresens pour un raccourci, on s'arrête n'importe où si on a besoin ou pas, ou surtout si on croise quelqu'un qu'on connaît pour lui demander 20 fois de suite «Comment ça va? Ça va. Et la famille ça va? Oui. Et toi, ça va? et blablabla». Et les autobus bien sûr, pas question de laisser quelqu'un en arrière (Les chauffeurs de la STM aurait quelque chose à apprendre ici). Bus trop rempli, ça n'importe pas! 40 dans un bus de 12 avec deux trois accrochés sur le pare-choc arrière.

Moi qui ai circulé pas mal en voiture dans différents pays, j'affirme qu'ici, c'est tout simplement incroyable. D'abord, inutile de chercher une autoroute. Quelle que soit la route que tu prends, une charette tirée par un cheval ou un enfant égaré, ou encore un boeuf égaré est toujours passible de te faire ralentir. Aussi, si j'ai déjà eu la visibilité en voiture ennuyé par une tempête de neige, le brouillard ou une forte pluie, je n'avais jamais perdu la route de vue à cause d'un nuage de fumée noire sortant de l'autobus devant nous. C'est écoeurant sérieux!!! Vous devriez voir la couleur de mon mouchoir quand je me mouche...





mardi 28 mai 2013

Se rendre à Dakar.

Une aventure. Longue aventure.

Parti le samedi soir à 19h50 (décollage), je suis arrivé à Dakar le dimanche soir à 21h30, avec +4 heures de décalage. Ils s'en passent des choses dans sa tête et dans son coeur durant tout ce temps. D'abord parce qu'il est difficile de laisser des gens qu'on aime derrière soi, ensuite parce qu'on réalise qu'on ne sait pas trop dans quelle aventure nous nous sommes embarqués.

Ce questionnement m'est franchement venu à l'esprit: «Pourquoi vais-je accompagner un groupe de stagiaires au Sénégal?». La réponse ne venait pas. Peut-être parce qu'elle n'est pas rationnel, ou parce que les raisons viendront d'elles-mêmes à travers le séjour. C'est d'ailleurs une question qui se poserait à tout accompagnateur et tout stagiaire au moment du départ. Pourquoi?

Quand on est fatigué (30 heures de voyage, avec 8 heures d'escale) et seul, des craintes apparaissent, des questionnements. Je sais que c'est normal, pour l'avoir vécu. Je sais que c'est saint aussi.

Tout ça pour dire qu'à mon arrivée en tête sénégalaise (pour la première fois!), c'est bien sûr la chaleur qui m'a frappée, jusqu'à me faire suer en quelques minutes et me remettre en tête la question principale: Pourquoi?

Puis, des hommes m'accostent pour proposer l'aide. Un classique des pays du Sud, me dis-je. Mais la gentillesse y est, l'insistance parfois. Je rencontre mon partenaire qui me dit de suite: «je savais que c'était toi, parce que les Canadiens voyagent avec peu de bagages!». Tu m'étonnes, avec la montagne de sacs d'immigrés qu'ils portent sur leur chariot eux...

Et des rapides constats: les mamas africaines, ça existe vraiment, j'en ai vu. Le wolof, c'est débile et j'y comprends rien. Des résidences universitaires au Sénégal, ce n'est pas aussi propres que celles au Canada... c'est sûr.

Si je m'endors ce soir-là, c'est bien parce que je suis mort de fatigue, car la chaleur et les questionnements face à la culture que j'entrevoie me garderaient normalement éveillé.